7 conseils de cheffe pour un management bienveillant

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Jeune serveuse souriante qui travaille sur une terrasse de cafétaria

Au cœur de la durabilité d'un restaurant, il y a ses ressources humaines. Pourtant, manager une équipe n'est pas inné. Entre coups de feu et pression financière, comment garder le cap d’un management bienveillant pour favoriser le bien-être et la fidélité de ses équipes ? Marion Goettlé du Café Mirabelle nous livre ses conseils.

Une jeune cheffe qui bouscule le management en cuisine

En 2018, à seulement 22 ans, Marion Goettlé ouvre son premier restaurant, le Café Mirabelle situé dans le 11ème arrondissement de Paris, un hommage à ses racines alsaciennes. Fille de restaurateurs, elle a certes baigné dans le milieu depuis sa plus tendre enfance, mais c’est son expérience professionnelle quelque peu décevante qui la pousse à créer sans attendre un lieu qui lui ressemble.

 

Au cours de mon apprentissage et de mes premiers jobs, je n’ai pas eu d’exemple de bon management, confie Marion Goettlé. Aucun chef ne m’a donné envie de rester dans sa cuisine, c’est pour ça que j’ai ouvert mon restaurant très jeune. Moi-même, quand j’ai commencé, j’ai aussi mal managé, car je ne savais pas le faire. C’est en rencontrant Manon Fleury et en échangeant sur nos expériences que j’ai ouvert les yeux. J’avais envie que tout le monde se sente bien dans mon restaurant.

 

Ensemble, les deux jeunes cheffes à l’avant-garde de la bistronomie parisienne se lancent un défi : porter la bonne parole dans les écoles. Accompagnées d’une poignée de cheffes, elles créent en 2021 le collectif BONDIR.E dont le but est de lutter contre les violences en cuisine. Pour y parvenir, elles animent bénévolement des ateliers dans les écoles de cuisine pour sensibiliser les jeunes et promouvoir le management bienveillant.

Management bienveillant : les conseils de Marion Goettlé

Travailler en équipe, c’est tout un art, surtout dans un secteur où le stress, les horaires à rallonge et les exigences de sécurité peuvent jouer sur les nerfs. Pour garder la tête froide et un cap orienté vers le bien-être des équipes, la cheffe nous livre ses conseils.

Enseigner le management à l’école

Mon rêve, c’est que l’engagement du collectif BONDIR.E permette de faire évoluer les programmes scolaires”, explique Marion Goettlé. En effet, pour les jeunes cuisiniers en école hôtelière, le management est une préoccupation très lointaine. “Ce n’est pas enseigné à l’école, déplore-t-elle. On ne nous apprend que des choses très techniques, pourtant, pour ouvrir un restaurant, il faut savoir faire plein de choses. Cuisiner, faire de la pâtisserie, de la comptabilité, mais aussi et surtout manager ! C’est important, car la base de notre travail c’est de travailler en équipe, il faut donc savoir communiquer avec son équipe. Et c’est quelque chose qui s’apprend.

Prendre soin de son personnel

Dans un secteur où l'accueil et la convivialité sont au cœur de la mission des équipes, prendre soin de ses collaborateurs comme on prend soin de ses convives est essentiel. “Pour moi la vitrine de la maltraitance dans les restaurants, c’est vraiment le repas du personnel”, souligne la cheffe. “J’ai bossé dans des restaurants où l’on mangeait à la cave et dans un établissement gastronomique où, un repas sur deux se réduisait à une assiette de semoule au ketchup.

 

À l’inverse, pour Marion Goettlé, le repas du personnel doit être un vrai moment de partage. Si la cuisine se donne du mal à concocter de bons petits plats, le personnel en salle doit lui rendre la pareille en préparant une jolie table. “L’idée c’est que toute l’équipe participe et que l’on prenne le temps de partager un moment tous ensemble.

Communiquer avec ses équipes

La communication est le pilier d’un management sain. Expliquer les décisions, donner du sens aux remarques, éviter les critiques personnelles sont autant de gestes simples qui permettent de renforcer la cohésion et la confiance entre collaborateurs.

 

Pour Marion Goettlé, “On ne communique jamais assez ! Quand il y a quelque chose qui ne va pas, et que j’ai une remarque négative à faire sur le travail ou le comportement de mes équipes, je leur explique toujours pourquoi. J’évite de les réduire à leurs erreurs et je leur donne des pistes de compréhension pour s'améliorer.” C’est cette transparence qui instaure un climat de confiance et réduit les tensions.

Être attentif aux besoins de chacun

Quand on travaille en équipe, il faut savoir penser collectif et individuel. Si les règles doivent s’appliquer à tous équitablement, il est parfois essentiel de faire le point en tête à tête pour mieux connaître les problématiques de chacun. Prendre en compte les régimes alimentaires ou les contraintes personnelles est une marque de respect et d’attention. “J’ai toujours fait très attention au régime alimentaire de mes collaborateurs, par exemple. Ça reflète vraiment l’attention qu’on porte à ses équipes ou non”, illustre la cheffe.

 

De la même manière, cette vigilance s'applique à l'aménagement des espaces (vestiaires, zones de repos, chambres froides…). Autant de lieux isolés où certains abus peuvent parfois être commis. “Les chefs ont la responsabilité de proposer un environnement de travail sain où tous et toutes peuvent se sentir en sécurité et les bienvenus”.

Valoriser chaque membre de l’équipe

Bien souvent, les stagiaires et commis restent cantonnés aux tâches ingrates. Pourtant, leur donner la parole les motive et renforce leur engagement. “Si on veut que les jeunes s’engagent dans le secteur de la restauration, il faut les valoriser dès le début de leur apprentissage. Pour moi les stagiaires sont aussi importants qu’un chef de partie, je leur demande s’ils ont des idées pour le menu, des suggestions pour les desserts.

 

Avec cette approche égalitaire, la jeune cheffe veut prouver qu’il n’est pas nécessaire d’imposer une hiérarchie écrasante pour obtenir du respect. “En cuisine, je n’ai pas besoin de me faire appeler ‘cheffe’, pour me faire respecter”, souligne-t-elle.

Offrir un cadre de travail agréable

Longtemps, Marion Goettlé est allée au travail avec la boule au ventre. Et c’est tout ce qu’elle veut éviter aux jeunes qui rejoignent le métier. Face aux difficultés de recrutement du secteur, la cheffe du Café Mirabelle s’étonne que la conversation se limite au salaire et aux jours de congés. “Notre métier est soumis à de nombreuses contraintes qui peuvent rebuter certains candidats. Et il est certain qu'offrir de meilleurs salaires et réduire les horaires aidera à la rendre plus attractive, mais cela ne suffit pas. Ce qui est essentiel aujourd’hui c’est de redonner envie aux jeunes de s’engager en leur proposant un cadre de travail agréablel’ambiance est fédératrice et motivante. Et cela passe forcément par un management plus bienveillant.

En finir avec la hiérarchie militaire

L’époque où l’autorité et le respect se mesuraient aux cris et aux humiliations est révolue. “En cuisine les violences sont systématiques, regrette Marion Goettlé, pourtant, elles ne sont pas nécessaires pour que le restaurant fonctionne bien. Le métier est aujourd’hui encore soumis à une organisation militaire alors que les enjeux ne sont pas comparables.

 

Le respect s’obtient par l’exemplarité et la clarté, sans déroger aux règles d’hygiène et de sécurité. “Les seules fois où je m’énerve, c’est quand la sécurité est mise en danger. Sinon, je considère qu’il n’y a rien de grave”, conclut la cheffe.

Et le modèle semble porter ses fruits. Depuis qu’elle a adopté le management bienveillant dans son établissement, la restauratrice constate que ses équipes restent plus longtemps en place. Et lorsqu’un poste s’ouvre, il est généralement aussitôt convoité par un jeune talent averti par bouche à oreille. Finalement, bien manager c’est créer un lieu qui donne envie de travailler.