Pâtissier : plus que jamais un métier d’avenir

Temps de lecture : 4 minutes
Participants du programme Graines de Pâtissier

D’un côté, des artisans et des restaurateurs à la recherche de jeunes pâtissiers. De l’autre, des jeunes éloignés de l’emploi et de la formation. Il fallait bien faire quelque chose ! On en parle avec Camille Collomb, chargée du programme Graines de Pâtissier.

Les défis du métier de pâtissier

Qui pour garnir, demain, les vitrines de délicieux Paris-Brest, d’entremets chocolat et de fraisiers en France ? Métier d’avenir, la pâtisserie peine pourtant à recruter.

La crise sanitaire, révélatrice des difficultés

10 000 ! C’est le nombre de pâtissiers qui manqueraient toujours à l’appel. 51 % des emplois en boulangerie et pâtisserie ne sont pas pourvus. Et, sans surprise, les difficultés de recrutement ce sont aggravées à la suite du Covid.

 

« Ce sont des métiers exigeants en termes d’équilibre vie personnelle et vie professionnelle. La crise sanitaire, comme pour beaucoup d’autres métiers de bouche, a été un révélateur de ces difficultés. Et puis, c'est un métier d'artisanat qui n’est pas forcément à la portée de tous. », confirme Camille Colomb, chargée du programme Graines de Pâtissier.

L’attrait du métier de pâtissier

Des comptes et des vidéos Tik Tok en pagaille, des photos sur Instagram plus alléchantes les unes que les autres et même un programme télévision dédié en prime time… c’est heureux, la pâtisserie plaît ! Il y a quelques jours, la pop star planétaire Rosalia passait dans le laboratoire du célèbre pâtissier et pro de la marque personnelle Cédric Grolet pour réaliser son gâteau d’anniversaire. Un dessert aux framboises et aux myrtilles en forme de rose. Peut-on faire plus tendance ?

Formation : des taux de rupture importants

Pourtant, une fois lancés dans une formation et devant les dures réalités du métier de pâtissier, certains élèves jettent l’éponge. « Ce n’est pas exactement comme à la télé, il n’y a pas que de la création, il y a aussi des tâches répétitives, surtout quand on débute. C’est un métier exigeant. Ce n’est pas pour rien que certains apprentis abandonnent en cours de route », constate Frédéric Brangeon, président de la chambre des métiers et de l’artisanat (CMA) de Loire-Atlantique. Et les chiffres sont têtus ! Sur l’année 2021-2022, on enregistre un taux de rupture plutôt inquiétant : près de 47 % des apprentis ont rompu leur contrat, selon le Cerfal.

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Graines de Pâtissier, le pont entre décrocheurs et pâtisserie

Comment éviter cet écrémage qui laisse des artisans pâtissiers et des restaurateurs désœuvrés face au cruel manque de main d’œuvre ? A travers son programme Graines de Pâtissier, la fondation Valrhona tente, à son échelle, d’enrayer le phénomène. Avec succès !

Cours de formation pour pâtissier

De l’Ecole de la 2ème chance à un métier d’avenir

Ce sont des jeunes en situation de NEET qui ont la possibilité de rejoindre le programme Graines de Pâtissier. NEET veut dire « les ni en emploi, ni en études, ni en formation ». Environ 13% des jeunes français de 15 à 29 ans ne sont pas insérés, selon les chiffres d’Eurostat. Beaucoup trop, n’est-ce pas ?

 

Pour les sensibiliser au métier de pâtissier, le programme Graines de Pâtissier est partenaire de l’Ecole de la 2ème chance. Il s’agit d’une association nationale qui accueille des jeunes sans diplômes pour les aider dans leur projet d’insertion sociale et professionnelle.

« Nous avons cherché les expertises où elles étaient pour vraiment construire un programme à 360°. L’objectif est de permettre aux jeunes de faire cette prépa apprentissage dans les meilleures conditions pour qu’ils s'engagent dans le métier de pâtissier », explique Camille Colomb, chargée du programme Graines de Pâtissier. Les meilleures conditions d’apprentissage, ces jeunes qui ont connu un ou plusieurs échecs professionnels, en ont grandement besoin…

Une formation pour se confronter aux réalités du métier

« Graines de pâtissier, c'est un programme qui permet aux jeunes de découvrir des métiers d'artisanat. Et pour être sûr de s'engager dans des métiers où ils ont de l'avenir et qui leur correspond, il fallait créer des passerelles, faciliter l'accès à la réalité de ces professions », précise Camille Colomb.

 

Dans cette prépa qui dure près de 4 mois, les jeunes se mettent à niveau sur les savoirs fondamentaux ou encore travaillent sur le savoir-être en entreprise. Mais pas seulement, on les aide à passer le permis et à se loger aussi. C’est seulement après qu’ils sont invités à découvrir les bases du métier de pâtissier. Gestes d’hygiène, découverte du laboratoire, premiers gestes pâtissiers… de quoi mettre la main à la pâte !

 

La promesse du programme ? Au moins un mois en entreprise et le reste du temps à l’école. L’enjeu ? Eviter les mauvaises surprises et donc les abandons après la formation. Et pour cela, il n’y a pas mieux que la pratique et l’immersion !

Des Graines de Pâtissiers dans 14 villes françaises

Le programme est né à Valence en 2017, aujourd’hui il s’est implanté dans 14 villes. « On ne s’attendait pas à ce que ça prenne aussi bien, même si nous savions qu'il y avait un terrain à exploiter. Il y a 21 000 postes à pourvoir en boulangerie-pâtisserie et 1,4 million de jeunes qui attendent qu’on leur tende la main. Le programme répond à un vrai besoin », se réjouit la chargée de programme.

 

Et qu’en pensent les artisans qui reçoivent ces apprentis ? « Ces profils vont montrer une motivation peut être supérieure aux autres parce qu'ils ont déjà connu l'échec. A la fin de la courte formation, ils doivent tous présenter une pâtisserie de leur choix, que l’on puisse se rendre compte aussi de ce qu'ils ont appris pendant 4 mois. Moi je suis toujours très surprise de ce qu'ils arrivent à sortir. C'est très qualitatif pour des jeunes qui ont passé un mois en entreprise et 8 jours en laboratoire », explique Camille Colomb.

Une démarche vertueuse

Bien sûr, tous ne vont pas devenir des pâtissiers. Certains décideront de ne pas poursuive dans cette voie, quand d’autres seront déterminés à rejoindre un CAP Pâtissier aussitôt le programme terminé ! Et pour les autres ? « Un jeune qui va faire un stage dans un restaurant pour découvrir le métier de pâtissier sera confronté à d’autres métiers. Il va découvrir la cuisine, la vente, le service en salle… on arrive à créer des ponts ! Entre 2017 et 2023, nous avons accueilli 430 jeunes, dont 53% soit 211 en formation ou en emploi dans les métiers de bouche. », répond Camille Colomb.

 

Manon Mahé, jeune lauréate de la promotion nantaise, se rêve en apprentissage et espère plus tard ouvrir sa propre pâtisserie. De quoi mieux saisir la citation de Lao-Tseu ? Pour le sage, « le plus grand arbre est né d'une graine menue… ».